Exposition Prolongements de « Souffles d’encre » 2008

Lent survol en descente au-dessus de Richelieu jusqu’à se poser sur le bassin à l’extrémité du parc, ce parcours à vol d’oiseau est constitué, ça et là entre les marronniers, de lavis d’encre sur toiles soutenus par une structure en bambous.

Le paysage ne se construit pas ici comme « un tableau », avec des diagonales convergeant vers un point de fuite ou avec le grand X que l’on percevait, en 2007, dans les lavigraphies. Le regard de l’oiseau ne traverse pas d’une seule ligne la grande perspective de la Porte de Chinon jusqu’au parc, mais il se penche et virevolte. Le paysage se déploie non pas en plan, creusant la scène à l’infini, mais en tension vers les lointains indéfinis, où le visible est résorbé : esquissé, le paysage à la fois s’offre et se retire. Ces vues fragmentées, présentées verticalement, déroulent le paysage selon une lecture en transition continue. Sur des rouleaux peints dans le sens de la hauteur, appelés kakémono dans la tradition chinoise, la composition sur la moitié inférieure s’ordonne avec la répétition des hôtels et des rues traversières, la moitié supérieure révèle les espaces boisés, berges lointaines et lointains évanescents.

Ces lavis d’encre, extraits de carnets de croquis, évoquent des fragments de paysages, dans lesquels chaque fragment est à la mesure d’un paysage, chaque partie étant figure de l’ensemble.

Soutenus par des bambous qui proviennent du parc même où ils sont exposés, tout comme les pinceaux (des tiges de bambous biseautées) avec lesquels ont été esquissés les lavis, les bambous entrent dans l’écriture de leur paysage même : cette bambouseraie, implantée le long du canal près de la roseraie, offre une image inaltérable de résistance, de légèreté et de souplesse dans l’espace libre du Parc ; symbole naturel de la plénitude et du néant, le bambou croît magnifiquement autour du vide.

Le bambou biseauté permet, à mes yeux, d’accéder à un trait souple et ferme que ne me permet pas le pinceau, à une rigueur dans la matière même, en particulier parce qu’il s’associe à l’encre de chine et à son grand pouvoir de dégorgement. Le bec taillé du bambou impose les mouvements tournants ultra-rapides de la main, qui permettent d’acquérir une expressivité ardente et nerveuse.

Dans l’Hôtel particulier du 28 Grande Rue sont présentés des lavis, imprimés sur toiles verticales, soutenues par une structure en bambous et accrochés au mur : ils font échos aux kakémonos présentés dans l’allée du Parc de Richelieu. Ces prolongements sont extraits des différentes vues à vol d’oiseau que constitue le parcours dans le parc jusqu’au bassin.

Les éléments dans ce format vertical ou en hauteur sont découpés dans le champ visuel et restitués selon une composition resserrée du cadrage, surélévations, stratifications qui montrent une autre structuration de l’espace, une vision épurée et synthétique permettant de rendre le rythme des formes.

 Françoise Manceau